Page:Sand - Cosima.djvu/50

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LE CHANOINE.

Un pauvre page d’Ordonio qui avait la singulière manie de jouer le rôle de son maître en son absence.

COSIMA.

En son absence ? Le seigneur Ordonio n’était donc pas ici à l’époque où le bruit de sa mort… ?

LE CHANOINE.

Il était à Venise, et jamais il n’avait songé à te faire l’injure de ses poursuites ; c’est son page qui était devenu fou et qui prenait ses vêtements, le soir, pour aller rôder comme un galant bienvenu sous les fenêtres des dames, se persuadant qu’il était un gentilhomme et se faisant passer pour Ordonio Éliséi. Des bandits profitèrent de sa démence et l’assassinèrent pour lui dérober les bijoux de son maître, dont il avait la vanité de se parer. Puis ils le défigurèrent, comme on te l’a dit, pour empêcher les recherches. On avait déjà arrêté un de ces scélérats, il y a quelques jours, et on retardait son jugement, comptant qu’il révélerait peut-être sa complicité avec Alvise, lorsque Ordonio est revenu tout à coup détromper tout le monde, les juges comme les accusés, Alvise, nous tous, et toi-même, ma chère enfant, qui t’es effrayée d’un fantôme et qui n’as été exposée qu’aux poursuites d’un insensé. Ainsi, renais à la joie, à la sécurité, ma fille : ton mari va nous être rendu, le brave Né ri aussi ; et le seigneur Ordonio, qui s’est noblement conduit à notre égard, est un galant homme qu’il faut estimer pour son zèle, son dévouement, et l’intérêt qu’il nous a montré. Notre duc de Florence, qui est un généreux souverain et qui le protège comme gentilhomme et comme étranger, s’intéresse vivement, dit-on, à cette affaire : il en abrégera les formalités… Tu sembles bien préoccupée ! On dirait que tu n’as pas compris le récit que je viens de te faire.

COSIMA, préoccupée.

Oh ! c’est une énigme pour moi !

LE CHANOINE.

Tu ne m’as donc pas écouté ?