Page:Sand - Cosima.djvu/86

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votre main dans la mienne. Vous jurâtes par le nom de vos ancêtres et par l’épée qu’ils vous ont transmise… Nous autres gens obscurs, sans aïeux, sans gloire, on nous habitue dès l’enfance à tenir pour sacrée la parole des nobles ; je crus à la vôtre, et je vous aimai parce que… parce que j’ai besoin d’aimer, moi !

ORDONIO, voulant se lever.

Il suffit, je vous entends… Vous croyez que, depuis lors…

ALVISE.

Je ne crois rien, je ne vous ai rien dit encore.

ORDONIO, se rasseyant.

Allons donc !

ALVISE.

Trois mois se passèrent. Tout semblait heureux autour de moi ; vous paraissiez heureux vous-même d’avoir trouvé, sous un humble toit, une famille d’honnêtes gens qui vous faisait l’honneur de vous traiter en égal. Des affaires d’honneur, et non pas d’intérêt, messire (car, pour gagner un peu d’or, je n’eusse pas quitté les objets de mon affection, croyez-le bien), m’appelèrent au loin. Je pensais bien que mon absence ne serait pas sans danger : mais je ne voulus pas exposer aux fatigues du voyage et aux périls de la mer une personne que j’aime plus que mon repos, plus que ma vie !… Au bout de trois autres mois, je revins. Vous vous trouviez ce soir-là en visite à maison de campagne… Je venais de traverser mon parc, j’allais franchir le seuil de ma demeure… Il y avait dans l’obscurité… sous les marronniers de la terrasse… près d’un banc, deux personnes qui parlaient vivement… l’une qui menaçait et pressait… l’autre qui se refusait et se défendait… Je vis tout, j’entendis tout !…

ORDONIO.

C’en est assez, messire ! Il m’importe maintenant, non de me justifier, mais de disculper la personne…

ALVISE.

Épargnez-vous cette peine, elle n’en a pas besoin. Je vous