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d’un ami malade[1] qui me dit d’elle tout bas et pour toute présentation :

— Voilà ma sainte, mon ange gardien.

C’était en 1850, elle me parut être déjà d’un certain âge ; elle était petite, mince et vêtue presque comme une religieuse, une robe noire, un bonnet blanc. Elle leva les yeux vers moi et je ne vis plus que ses yeux, deux étoiles au feu clair et pénétrant, deux lumières de bonté angélique avec ce fond d’énergie tenace qui caractérise les désintéressements absolus. Je sentis qu’il y avait là un être à part, entouré de je ne sais quel mystère qu’on aimait à respecter.

Ce respect instinctif qu’elle inspire est tel que, ayant eu souvent l’occasion de lui écrire, je n’ai jamais osé l’interroger sur quoi que ce soit. J’ai lu et relu pourtant, avec une curiosité attendrie, un livre de poésies en deux parties qui résume sa vie et qui est intitulé modestement les Bruyères. C’est avec ce livre que je puis sans indiscrétion, puisqu’il a été publié en 1854, recomposer l’histoire de cette âme étrange, profonde et, pour ainsi dire, surhumaine.

  1. Henri de Latouche.