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nouvelle phase de cette existence insolite. Le talent s’élève encore, il atteint son apogée quand la douleur y arrive aussi. Car ce n’est pas aux premiers jours de la séparation qu’elle s’est révélée tout entière.

La délaissée a espéré mourir bientôt après avoir tant veillé et tant pleuré. Mais la vie est très-intense dans cette plante d’apparence fragile. Plus elle oublie et brutalise sa santé, plus la vitalité s’obstine. Elle s’aperçoit alors qu’elle est seule pour jamais, et le regret tourne au désespoir.

Du fond de ma détresse, ô mon Dieu, je t’implore.
Mes yeux pour se fermer ont bien assez pleuré !
Tu m’as souvent frappée et j’ignorais encore

Combien ton glaive est acéré.

Ma lèvre a sans murmure épuisé le calice
Que bien des fois ta main a rempli jusqu’au bord ;
Mais, ô Seigneur, Seigneur, pour ce dernier supplice,

Non, mon cœur n’est pas assez fort !…

Non, je ne pensais pas d’une seule existence
Que la mort pût trancher seulement la moitié.
Je n’avais pas prévu l’implacable sentence,

Et j’espérais en ta pitié !


Lui-même, hélas !…
En voyant mon espoir, il l’avait partagé.
Saisissant ma main froide, il crut tenir le câble

 Qu’on tend du bord au naufragé.