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comme la perte de nos deux nobles et vaillantes sœurs, l’Alsace et la Lorraine, à quel espoir prochain se rattacher ? Je ne sais pleurer qu’en secret, car les preuves de découragement sont funestes, la douleur est contagieuse ; il ne faut la montrer que quand elle peut réveiller le courage et rendre l’indignation féconde.

Que faire ici ? Nos justes colères ne peuvent qu’aggraver le sort de ceux que le devoir enchaîne encore au sol des provinces conquises. Ceux-ci nous intéressent aussi profondément que les héroïques émigrants à tout prix. Dirai-je que leur situation morale me paraît encore plus navrante ? J’en sais qui ont subi l’horrible nécessité de l’option allemande avec un véritable héroïsme comme des martyrs dévoués volontairement au pire supplice. Je sais un pasteur protestant[1], auteur de nombreuses publications où le plus pur sentiment religieux s’exprime avec la simple et véritable éloquence du cœur, père d’une nombreuse famille, entouré du respect et de la tendresse de son église — qui, au moment de partir, s’est sacrifié. Il est

  1. M. Leblois, pasteur au temple neuf de Strasbourg.