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et que nous serons initiés tout à fait à cette littérature vraiment helvétique dont les premiers spécimens m’avaient déjà charmée.

Cette littérature a-t-elle en effet un caractère particulier ? Oui, certainement. J’en ai un peu douté jusqu’ici. Sauf un trop grand nombre de locutions familières, de mots tout faits d’un caractère démodé, et des tours de phrase un peu lourds, nous n’avions pas vu que la langue des Suisses français fût l’expression d’un génie différent du nôtre. Certes, M. Victor Cherbuliez trahit par l’abus des mots tout faits son origine genevoise ; mais, en dehors de cette particularité, c’est un esprit aussi bien allemand que français, et, disons-le en passant, c’est un grand esprit, un talent de premier ordre.

La première peinture suisse qui m’ait frappé comme vraiment originale, est celle de Gotthelf : elle est paysanne et montagnarde, et elle n’est que cela. Elle ne fait point d’écarts dans le domaine de la fantaisie ; elle coule comme une eau qui va à son but ; mais c’est une eau puissante, une source toujours pleine ; elle reflète toujours les mêmes aspects, mais elle montre comme dans un miroir la richesse et la variété des tableaux