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la nuit. Mais, chemin faisant, il nous démontre que l’air qu’on prend sans y faire attention et en pensant à autre chose ne vivifie pas comme celui qu’on prend pour le prendre. La nuit est plus douce à mesure que la lune monte dans un grand lac de petites nuées blanchâtres. Nous suivons les méandres de la rivière glacée, que borde une frange diamantée. Le courlis sanglote dans les roseaux desséchés. On dirait d’un petit enfant abandonné dans les herbes du rivage. La solitude est absolue. Les arbres jettent leurs ombres grêles sur le sentier de telle façon qu’on lève instinctivement le pied pour monter ou descendre des escaliers imaginaires. On se dit adieu au carrefour de la Croix-Blanche, mauvais endroit hanté par les meneux de loups. Mais Duteil nous raconte des légendes et nous le reconduisons jusqu’au cimetière, d’où, à son tour, il revient avec nous jusqu’au grand arbre. Enfin on se sépare, en promettant le secret sur mon équipée. Duteil s’éloigne en chantant à pleine voix :


        Ego sum pauper !

Et nous lui répondons en canon, jusqu’à la sortie des Chottes. Alors, nous cessons nos chants