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minutes qu’il me sembla singulièrement monotone et que je posai l’écuelle sur la margelle d’un vieux puits qui se trouvait là fort à propos. Tout aussitôt un bataillon de guêpes vint brutalement goûter la crème et s’y plonger comme des sauvages qu’elles étaient. Je les chassai, et j’allais reprendre mon travail, quand arriva un groupe d’abeilles discrètes, proprettes, dorées par le pollen des ficaires fraîchement écloses. Avec quelle grâce délicate elles trempèrent leurs petites pattes dans la mousse sucrée qui marbrait les bords du vase !

— Ô sages et honnêtes ouvrières, m’écriai-je, que je ne mange jamais de crème en neige, si je vous dérange avec ce balai impie, formé de branches de groseillier !

Et je m’absorbai si bien dans la contemplation de ces charmantes créatures descendues de l’Hymette pour m’inviter au repos, que la crème ne prit aucune consistance et que Rose, en venant me demander compte du dépôt sacré, s’étonna du peu de succès de mes efforts.

— Il faut, lui dis-je, honteuse de mon oubli, que ce soit le voisinage du puits et la fraîcheur qui s’en exhale qui aient contrarié l’opération.