Le pays était beau, je dois le dire, mais le village était bien le plus affreux coupe-gorge que j’aie vu. C’était à trois lieues de Nice, dans la montagne, au pied des grandes Alpes. Il y faisait très-froid ; c’était perché sur un rocher en pain de sucre, d’où la vue était admirable ; mais, comme c’était un ancien domaine de templiers, fortifié et entouré de murailles ébréchées et de tours décrépites, une fois entré dans le bourg, on ne voyait plus qu’un amas de vieilles maisons se pressant contre le rocher en ruelles profondes, étroites et sombres. Pas un point d’où l’on pût apercevoir la mer et les montagnes ; on eût dit qu’au milieu d’une terre splendide et sous un ciel d’azur les anciens fondateurs de cette citadelle avaient résolu, pour n’être pas vus du dehors, de ne voir eux-mêmes que leur sordide demeure. La place, au centre du bourg, était toute bordée d’arcades basses et massives formant galerie, et les habitations placées au-dessous ne recevaient même pas la lumière du ciel. La Niçoise, qui demeurait par là, voulut en vain me faire convenir que cela ressemblait aux galeries du Palais-Royal.
Je pensai avec effroi à ce que ressentirait la comtesse de Flamarande, si elle pouvait voir l’affreuse prison où son fils entrait, au sortir de sa demeure soyeuse et parfumée ; mais je regardai les gamins maigres, bruns, agiles et forts, qui jouaient bruyamment sur ces pavés disjoints et faisaient