donner aux autres patoiseurs de Flamarande le moindre renseignement sur son propre compte. Il se passerait assez de temps avant qu’il pût s’entendre avec eux, pour lui faire oublier jusqu’à son nom, et encore ce nom n’était-il pas le sien. Je lui avais imposé celui d’Espérance. Il ne s’en connaissait pas d’autre.
J’approchais de Flamarande avec une grande impatience d’arriver. Mon petit Espérance n’était pas embarrassant ; je n’ai jamais connu d’enfant plus tranquille et plus doux. Il avait une santé excellente. Rien ne le fatiguait ni ne l’effrayait ; mais il avait plus de mémoire et d’attachement que je n’aurais voulu, et sa tristesse morne me rendait extrêmement malheureux. Il devait s’ennuyer beaucoup, ne comprenant rien et ne se faisant comprendre de personne, pas même de moi. Je devinais bien son idée fixe. Il me redemandait sa mama, c’est-à-dire sa Niçoise, tous les quarts d’heure. Je lui disais par gestes que nous allions la rejoindre. Il se résignait ; cependant il y avait dans ses beaux grands yeux une expression de détresse et d’effroi qui me déchirait le cœur. Je ne me donne pas pour plus sensible qu’un autre, mais une peine morale infligée à un enfant m’a toujours navré comme un fait hors nature.
J’avais pris à Aurillac, où nous avions quitté la diligence venant de Clermont, un cabriolet de louage pour deux jours, car je comptais arriver le soir à