Page:Sand - Flamarande.djvu/210

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conscience et à mes instincts, j’avais le rôle du traître dans cette comédie ?

Je passai encore six semaines à Flamarande. Je m’y sentis plus calme et, en dehors de mon chagrin intérieur, plus heureux que je ne l’avais été depuis longtemps. Ces Michelin étaient réellement de braves personnes, leurs enfants m’aimaient, et Ambroise me distrayait par son esprit enjoué et actif. Je me portais bien, je chassais un peu ; je n’avais plus le spectacle des larmes de madame de Flamarande et le supplice des confidences de son mari. Je m’appartenais enfin, et peu à peu je m’habituais à l’idée de secouer le joug qui m’avait été imposé. Je prenais la résolution d’écrire à madame la comtesse pour l’informer de l’existence et de la bonne santé de son fils aîné. Je lui écrivis même beaucoup de lettres, que je brûlai toutes, retenu par la crainte qu’elles ne fussent surprises par son mari.

D’ailleurs, cela ne pouvait pas s’expliquer par écrit. Une femme si pure et si noble ! comment oser lui dire de quoi elle était accusée ? Une mère si passionnée ! comment l’empêcher de commettre quelque imprudence dont le résultat lui eût été funeste ? M. le comte avait trouvé le plus cruel des châtiments en cas de révolte de sa part ; il avait parlé de lui retirer Roger, et il était homme à le faire. Je devais être là, je devais préparer la comtesse à cette révélation ; je ne pouvais en charger