Page:Sand - Flamarande.djvu/216

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Madame la comtesse arriva dans les premiers jours de novembre. Elle aussi avait fait l’école buissonnière, car la vente de Sévines avait pris du temps, et M. le comte disait n’avoir pu ni la rejoindre en Italie ni la faire revenir à Paris. Il n’était plus jaloux d’elle, on eût dit qu’il ne l’avait jamais été. Il était de meilleure humeur qu’avant les événements. Ses dettes étaient payées, sa santé raffermie, et il avait une femme soumise, un fils superbe ; c’était tout ce qu’il avait ambitionné.

Roger était plus gâté, plus diable, plus séduisant que jamais. Madame se portait très-bien aussi, et je crois qu’elle avait embelli encore. J’avais beaucoup redouté de la revoir maigrie et triste comme à son départ. Loin de là, elle semblait radieuse. Elle avait pris son parti, Gaston paraissait oublié, Roger était assez, il était tout pour elle. Dans cette situation, je me demandai si je devais troubler la paix reconquise dans cet intérieur par une révélation périlleuse, et je retombai dans mon accablement. J’avais dû ma guérison physique et morale à une courageuse résolution de consoler cette mère éperdue. Je la retrouvais oublieuse ou abusée définitivement. Je me sentais comme forcé de rester criminel envers elle et coupable à mes propres yeux. Ma timidité vis-à-vis d’elle en augmenta d’autant. Je m’étais flatté, dans mes bons rêves de Flamarande, de conquérir par mes aveux et mon repentir la bienveillance presque