Page:Sand - Flamarande.djvu/241

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sacrifier son autre fils ? Un jour ne viendrait-il pas où elle relèverait la tête, où elle se plaindrait d’avoir été outragée par les soupçons de son mari, où elle invoquerait au besoin l’appui des lois pour faire reparaître l’enfant exilé et pour faire valoir ses droits à la succession de son père légal ? Dans cette hypothèse, ce serait au tour de Roger d’être sacrifié ; il perdrait son avantage de fils unique, son titre et la moitié de sa fortune. Le fils de M. de Salcède devenait par droit d’aînesse le comte de Flamarande et peut-être le vengeur irrité de sa vie d’exil et d’abaissement. Peut-être serait-il l’ennemi, le persécuteur autorisé de mon cher Roger !

C’est cette crainte-là qui maintenait mon dépit contre la comtesse de Flamarande. Je craignais le réveil de cette tendresse maternelle étouffée par la volonté, soutenue par l’espoir d’une éclatante réparation. Voilà pourquoi j’aurais voulu avoir des preuves contre elle, afin de pouvoir lui dire en temps et lieu : « Soumettez-vous à l’arrêt de votre mari, ou je vous livre au jugement de l’opinion »

Enfin je me calmai. Les preuves n’arrivaient pas. J’en étais réduit à me dire que madame la comtesse était beaucoup plus forte que moi pour mener une intrigue et cacher un secret.