Page:Sand - Flamarande.djvu/299

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Il devait exister un troisième passage pour pénétrer à couvert dans le donjon ; mais, outre que je n’avais pas le loisir de le chercher, je ne voulais nullement être vu à Flamarande, et je m’en trouvais si près, que je dus gagner un bouquet de bois pour guetter le moment où je pourrais me risquer sur le chemin sans être aperçu. La faim me dévorait. Je fis comme les enfants de la montagne, je cherchai les myrtilles et les framboisiers. Tout cela était en fleurs. M. de Salcède eût fort raillé mes notions botaniques, s’il m’eût vu chercher des fruits à la fin de mai dans les montagnes froides.

Des voix d’enfants s’approchèrent. Je craignis d’être surpris et je me réfugiai dans la plus épaisse des touffes de buis. Ils vinrent tout à côté de moi visiter je ne sais quels engins, et j’entendis l’un d’eux s’écrier :

— Le pain est mangé, ils sont venus.

— Oui, dit un autre, mais il n’y a rien de pris. Dis donc, Espérance, te voilà content !

Au mot de pain prononcé par ces enfants, je m’étais senti plus affamé ; mais, au nom d’Espérance, j’avais oublié mes tortures. J’avais osé lever un peu la tête et regarder entre les branches. Je vis l’enfant, je le reconnus tout de suite parmi les autres. Il était pâle comme après une maladie, et, si quelques années de plus avaient accentué ses traits, la physionomie, à la fois douce et ferme, n’avait pas changé. À qui pouvait-il ressembler ?