Page:Sand - Flamarande.djvu/33

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roche et n’avait pu continuer. Il me pria de lui donner de l’eau mêlée à de l’eau-de-vie, et je m’offris à le panser, ce qu’il accepta, comme s’il eût tenu à faire constater la réalité de cette blessure, qui était réellement cruelle. Le cuir de la chaussure était coupé en dessus et le petit doigt presque écrasé. Je cherchais comment un piéton si solide et si adroit avait pu s’endommager de la sorte, et comment une pierre avait pu couper comme une hache, lorsque mes yeux se portèrent sur un marteau de géologue que M. de Salcède renfonçait machinalement dans sa sacoche. Ce fut un trait de lumière, et, mon regard rencontrant le sien, il rougit comme un homme qui se voit pris. Le pauvre enfant savait mentir, mais non pas feindre. Je gardai pour moi ma conviction qu’il s’était héroïquement frappé avec ce terrible outil, et je résolus de faire bonne garde. Il ne m’était pas commandé de surveiller madame et de rendre compte de ses actions, mais je pensai que mon devoir était de garder autant que possible l’honneur de mon maître.

Les premières amours, avec leur naïveté timide, sont capables de dérouter les plus raisonnables prévisions. Madame dormait encore sur les neuf heures, lorsque M. de Salcède rentra, et, quand elle fut levée et habillée, quand elle apprit qu’il était de retour, on le chercha en vain pour lui en donner des nouvelles. C’est moi qui le trouvai au bas du rocher,