rais plus la foi qui sauve ! Ah ! je suis bien malheureux !
Je crus qu’il allait pleurer, mais c’était un
homme qui ne pleurait pas. Il se tordait les mains
en parlant, c’était le paroxysme de son chagrin. Il
me fit grand’peine. Jusque-là, je m’étais dévoué
par reconnaissance, je ne m’étais pas senti d’affection
pour lui. Je n’aimais pas son ton cassant et sa
politesse méprisante. Je le jugeais d’un caractère
trop trempé en dédain et en rudesse pour inspirer
la sympathie ; mais, quand je vis cet homme, si
obstiné et si sec, s’épancher avec moi et me révéler
les faiblesses de son esprit, je me pris d’un vif intérêt
pour son infortune.
Je me disais bien qu’il est des agitations terribles, où, se renfermer en soi-même, c’est risquer d’éclater. Le comte avait dans ce moment un impérieux besoin de s’épancher, et j’étais le seul être au monde qu’il pût choisir, puisque, seul au monde, après M. de Salcède, je connaissais son secret, la cause de son duel. C’est notre destinée, à nous autres subalternes, d’être initiés forcément aux mystères des familles, et nous prenons souvent pour une confiance honorable le besoin que l’on a de nous. Je ne me faisais pas d’illusions là-dessus ; mais la vue de cet être fort, que j’avais cru si supérieur à moi et qui semblait me demander aide et conseil, m’attendrit profondément.
En ce moment, j’eusse donné ma vie pour lui, et