chaque mot ; c’est comme un méchant vieux professeur avec une petite pensionnaire qu’il ne veut pas gronder, qu’il raille pour lui ôter toute assurance et lui rabattre l’amour-propre. S’il me parlait comme cela, à moi, je saurais bien lui dire son fait ; mais elle, c’est comme un agneau que le loup regarde : elle tremble, ferme les yeux, et ne répond rien. Elle croit mériter ses dédains, elle se dit ignorante et sans esprit, et pense qu’il lui a fait beaucoup d’honneur en la prenant pour femme ; elle ne souffre pas que je le blâme en rien, elle assure qu’elle est très-heureuse. Il pourrait la mettre dans une cave au pain et à l’eau sans qu’elle consentît à le trouver injuste.
Comme je demandais à Julie si sa maîtresse ne regrettait pas Montesparre, si son séjour prolongé dans un château désert ne lui causait pas de l’ennui :
— Si fait, répondit-elle. Elle s’est ennuyée au commencement, mais elle s’en prenait à elle-même de ne pas savoir s’occuper comme M. le comte, qui s’enferme dans son cabinet et se plaît à lire toute la journée. Elle essayait de lire des livres d’histoire, mais elle n’y avait pas de goût, et elle bâillait sans cesse. Depuis qu’elle espère un poupon, elle est toute changée ; elle se jette dans cet amour-là comme une femme qui n’en connaîtra jamais d’autre. Elle ne pense qu’à cela ; elle voit son bébé en rêve, elle cherche à dessiner sa figure, elle prie,