Page:Sand - Flamarande.djvu/98

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lerez d’ailleurs ; mais inutile de lui dire tout cela d’avance. Qu’elle vienne au jour dit, et qu’elle ne sache rien, sinon qu’il faut m’obéir, n’obéir qu’à moi ; c’est à vous de la choisir propre à l’exécution de mes desseins, c’est-à-dire libre de tout lien et prête à tout pour gagner honnêtement beaucoup d’argent.

— Et madame la comtesse, que dira-t-elle ?

— Ce qu’elle voudra. Il faut que l’enfant passe pour mort et qu’il le soit pour elle. Il mourra en nourrice. Voilà le thème.

— Et elle en mourra aussi, elle !

— Allons donc !

— Elle est déjà maternelle avec passion, monsieur le comte !

— Je ne veux pas qu’elle meure. Je la distrairai. Il y aura des larmes, je m’attends à cela ; mais ma résolution est inébranlable. Je l’ai juré en arrivant ici, sur la tombe de mon père, car nous nous entendions, lui et moi, sur un point capital, l’honneur de la famille. Pas de bâtards, pas d’enfants étrangers ! Le crime plutôt que la honte ; mais je suis sans passions. Il n’y aura pas de crime ; notre siècle s’entend mieux que les siècles passés à infliger le châtiment purement moral.

— Enlever un enfant à sa mère ! Et si elle n’est pas coupable ? si on a pris son bouquet sans qu’elle le sût ? si on est entré chez elle sans qu’elle s’en doutât ? si cet enfant est le vôtre ?