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menace point. Il vient de donner des preuves signalées de sa soumission légale à l’ordre établi, en proclamant son adhésion à la jeune République. Il a beaucoup d’organes différents, car c’est à l’état d’aspiration qu’il a le plus d’adeptes. Il en a jusque parmi les riches. Il en a chez toutes les nations et à tous les étages de la science et de la hiérarchie sociale ; car le Communisme, c’est le vrai Christianisme, et une religion de fraternité ne menace ni la bourse, ni la vie de personne.

» Eh bien ! de tous les organes de la Foi communiste, pouvez-vous en citer un seul qui ait protesté contre les lois qui régissent la propriété légitime et la sainteté de la Famille ?

» Qu’ont-ils donc fait pour vous épouvanter ? Rien, en vérité ; et vous êtes troublés par un cauchemar !

» Quant au Peuple, vous le calomniez en disant qu’il penche vers le Communisme immédiat. Le Peuple, plus sage et plus brave que vous, ne s’alarmerait pas de quelques démonstrations coupables, il les réprimerait ; et, loin de perdre sa foi dans l’avenir, il tirerait de ces excès une patience plus belle et une justice plus ferme. »


GEORGE SAND.




Propriétaires et Riches, que votre erreur est grande, quand vous frissonnez au nom des Communistes-Icariens !

On vous trompe en nous calomniant, comme on trompait le Peuple à la naissance du Christianisme, en calomniant les premiers Chrétiens.

Sans doute, nous voulons recouvrer nos droits et obtenir justice ; mais nous ne voulons ravir ses droits à personne ni refuser justice à personne.

Sans doute, nous ne voulons plus être opprimés ni spoliés ni exploités ; mais nous ne voulons être ni oppresseurs, ni spoliateurs, ni exploiteurs.

Fidèles à notre principe de Fraternité, nous ne pouvons être heureux qu’en voyant tous nos Frères aussi heureux que nous.

Ce n’est pas la haine qui est notre religion : c’est l’amour de nos Frères.

Ennemis consciencieux et résolus des mauvaises institutions qui engendrent les vices, nous sommes pleins d’indulgence et de bienveillance pour les vicieux, qui sont victimes plus encore que coupables !

On nous accuse de vouloir le partage des terres : mais personne n’est plus ennemi du partage que nous, puisque nous demandons l’Association en tout et la Communauté.

On prétend que nous voulons l’abolition de la Famille : mais personne n’a rompu plus de lances que nous pour défendre le Mariage et la Famille, tout en les purifiant et en les perfectionnant.

On nous présente comme des anarchistes : mais personne n’est plus ami de l’ordre que nous, plus partisan de l’organisation que nous, plus convaincu que c’est au Peuple surtout que l’ordre et la discipline sont indispensables pour qu’il puisse jouir des fruits de son travail.

On nous signale comme entachés d’immoralité : mais notre morale est la plus pure, car c’est celle de l’Évangile, celle du Christianisme dans toute sa pureté.

On nous accuse de vouloir tout faire par violence, en imposant nos idées : mais nous n’invoquons au contraire que la discussion et la persuasion ; nous adoptons un Régime transitoire de progrès successif et de Démocratie ; nous préférons émigrer pour aller au loin défricher et cultiver des déserts, plutôt que de troubler et d’inquiéter.

On crie contre nous comme contre des pillards et des incendiaires : mais c’est une horrible calomnie ; car, au contraire, nous nous jetons partout en avant pour arrêter les violences et les excès.

D’autres Partis ne parlent que de force ; mais nous, nous prêchons l’instruction et la moralisation.

D’autres ne s’occupent qu’à démolir ; mais nous, nous nous occupons surtout de construire.

Dans notre système, nous ne voulons personne au-dessus de nous, mais personne au-dessous ; nous ne voulons personne plus heureux que nous, mais personne moins heureux.

Oui, Propriétaires et Riches ! quand vous nous connaîtrez mieux, vous serez convaincus que, dans la tempête, c’est nous qui, mieux qu’aucun autre Parti, pouvons être l’ancre et le salut de l’Humanité !


Les Icariens.


Sedan, Imp. de Laroche-Jacob. — 28 Mars 1848.