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114 HISTOIRE DE MA VIE

l'affaire neuve comme la législation qui l'avait rendue pos- .^ible. 11 appela deux autres avocats célèbres, et le résultat de la consultation fut qu'il y avait matière à procès, parce qu'il y a toujours matière à procès dans toutes les affaires de ce monde, mais que le mariage avait neuf chances contre dix d'être validé par les tribunaux, que mon acte de naissance me constituait légitime, et qu'en supposant la rupture du mariage, l'intention comme le devoir de mon [ ère serait infailliblement de remplir les formalités voulues et de contracter de nouveau mariage avec la mère de l'en- fant qu'il avait voulu légitimer.

Ma grand'mère n'avait peut-être jamais eu l'intention formelle de plaider contre son fils. En eiit-elle conçu le projet, elle n'en aurait certes pas eu le cjurage. Elle fut [irobablement soulagée de la moitié de sa douleur en renonçant à ses velléités hostiles, car on double son propre mal en tenant rigueur à ce qu'on aime. Elle voulut cepen- dant passer encore quelques jours sans voir son fils, sans doute afin d'épuiser les résistances de son propre esprit et de prendre de nouvelles informations sur sa belle-fille. Mais mon père découvrit que sa mère était à Paris; il comprit qu'elle savait tout et me chargea de plaider sa cause. 11 me prit dans ses bras, monta dans un fiacre, s'arrêta à la porte de la maison où ma grand'mère était descendue, gagna en peu de mots les bonnes grâces de la portière, et me confia à cette fenmie, qui s'acquitta de la commission ainsi qu'il suit :

Elle monta à l'appartement de ma bonne maman, et, sous le premier prétexte venu, demanda à lui parler. Introduite en sa présence, elle lui parla de je ne sais quoi, et, tout en causant, elle s'interrompit pour lui dire : Yoycz donc, madame, la jolie petite fille dont je suis grand'- mère! Sa nourrice me l'a apportée aujourd'hui, et j'en suis si heureuse que je ne poux pas m'en séparer un