Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/138

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dans ma fantaisie pour embrasser aucun genre d’ambition, mais une destinée de liberté morale et d’isolement poétique, dans une société à laquelle je ne demandais que de m’oublier en me laissant gagner sans esclavage le pain quotidien.

Je voulus pourtant revoir une dernière fois mes plus chères amies de Paris. J’allai passer quelques heures à mon couvent. Tout le monde y était si préoccupé des effets de la révolution de juillet, de l’absence d’élèves, de la perturbation générale dont on subissait les conséquences matérielles, que je n’eus aucun effort à faire pour ne point parler de moi. Je ne vis qu’un instant ma bonne mère Alicia. Elle était affairée et pressée. Sœur Hélène était en retraite. Poulette me promenait dans les cloîtres, dans les classes vides, dans les dortoirs sans lits, dans le jardin silencieux, en disant à chaque pas :

« Ça va mal ! ça va bien mal ! »

Il ne restait plus personne de mon temps que les religieuses et la bonne Marie Josèphe, la brusque et rieuse servante, qui me sembla la plus cordiale et la seule vivante au milieu de ces âmes préoccupées. Je compris que les nonnes ne peuvent pas et ne doivent pas aimer avec le cœur. Elles vivent d’une idée, et n’attachent une véritable importance qu’aux conditions extérieures qui sont le cadre nécessaire à cette idée. Tout ce qui trouble l’arrangement d’une méditation