Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/385

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besoin de les rendre heureux, ce qui est au fond la même chose, leur bonheur étant nécessaire au nôtre. Je sens que mes douleurs et mes fatigues ne peuvent altérer l’ordre immuable, la sérénité de l’auteur de toutes choses ; je sens qu’il n’agit pas pour m’en retirer en modifiant les événemens extérieurs autour de moi ; mais je sens que quand j’anéantis en moi la personnalité qui aspire aux joies terrestres, la joie céleste me pénètre et que la confiance absolue, délicieuse, inonde mon cœur d’un bien-être impossible à décrire. Comment ferais-je donc pour ne pas croire, puisque je sens ?

Mais je n’ai véritablement senti ces joies secrètes qu’à deux époques de ma vie, dans l’adolescence, à travers le prisme de la foi catholique, et dans l’âge mûr, sous l’influence d’un détachement sincère de ma personnalité devant Dieu. — Ce qui ne m’empêche pas, je le déclare, de chercher sans cesse à le comprendre, mais ce qui me préserve de le nier aux heures où je ne le comprends pas.

Quoique mon être ait subi des modifications et passé par des phases d’action et de réaction, comme tous les êtres pensans, il est au fond toujours le même : besoin de croire, soif de connaître, plaisir d’aimer.

Les catholiques, et j’en ai connu de très sincères, m’ont crié que, dans ces trois termes, il y en avait un qui tuerait les deux autres. La