Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/404

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sévère et simple comme elle m’est toujours apparue.

Éverard paraissait donc, au premier coup d’œil avoir soixante ans, et il avait soixante ans en effet ; mais, en même temps, il n’en avait que quarante quand on regardait mieux sa belle figure pâle, ses dents magnifiques et ses yeux myopes d’une douceur et d’une candeur admirables à travers ses vilaines lunettes. Il offrait donc cette particularité de paraître et d’être réellement jeune et vieux tout ensemble.

Cet état problématique devait être et fut la cause de grands imprévus et de grandes contradictions dans son être moral. Tel qu’il était, il ne ressemblait à rien et à personne. Mourant à toute heure, la vie débordait cependant en lui à toute heure, et parfois avec une intensité d’expansion fatigante même pour l’esprit qu’il a le plus émerveillé et charmé, je veux dire pour mon propre esprit.

Sa manière d’être extérieure répondait à ce contraste par un contraste non moins frappant. Né paysan, il avait conservé le besoin d’aise et de solidité dans ses vêtemens. Il portait chez lui et dans la ville une épaisse houppelande informe et de gros sabots. Il avait froid en toute saison et partout ; mais, poli quand même, il ne consentait pas à garder sa casquette ou son chapeau dans les appartemens. Il demandait seulement la permission de mettre un mouchoir, et il tirait