Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/438

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ne peuvent se réaliser sans des miracles. Songe à ceci que, si tous les amans de la vérité absolue disaient comme toi adieu à leur pays, à leurs frères, à leur tâche, non-seulement la vérité absolue, mais encore la vérité relative n’auraient plus un seul adepte. Car la vérité ne monte pas en croupe des fuyards et ne galoppe pas avec eux. Elle n’est pas dans la solitude, rêveur que tu es ! Elle ne parle pas dans les plantes et dans les oiseaux, ou c’est d’une voix si mystérieuse que les hommes ne la comprennent pas. Le divin philosophe que tu chéris le savait bien quand il disait à ses disciples :

« Là où vous serez seulement trois réunis en mon nom, mon esprit sera avec vous. »

« C’est donc avec les autres qu’il faut chercher et prier. Si peu que l’on trouve en s’unissant à quelques autres, c’est quelque chose de réel, et ce qu’on croit trouver seul n’existe que pour soi seul, n’existe pas par conséquent. Va-t’en donc à la recherche, à la poursuite du néant ; moi je me consolerai de ton départ avec la certitude d’être, en dépit des erreurs d’autrui et des miennes propres, à la recherche et à la poursuite de quelque chose de bon et de vrai. »

Ayant tout dit, il sortit, un peu sans que j’y fisse attention, car j’étais absorbée par mes propres réflexions sur tout ce qu’il venait de dire, en des termes dont la plume ne peut donner qu’une sèche analyse.