Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/449

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aiguë, lui fit de nombreux détracteurs parmi ses coréligionnaires. Éverard avait blessé des croyances et des amours-propres dans les discussions orageuses au sein du parti. Il eut contre lui des rancunes amères et même des sévérités impartiales. « Était-ce donc la peine, disait-on, d’avoir combattu avec tant d’âpreté l’opinion de ceux qui voulaient adopter le système de la défense, pour arriver à se défendre soi-même, tout seul, d’un acte dont l’intention était collective ? »

Mais n’était-ce pas précisément parce que cette cause n’avait plus de sens collectif qu’Éverard était fatalement entraîné à en faire meilleur marché ? N’y avait-il pas quelque chose de naïf et de grand dans la modestie qui lui faisait confesser n’avoir aucun ressentiment, aucune haine personnelle ? Et sa péroraison fut-elle timide lorsqu’il s’écria :

« Si l’amende m’atteint, je mettrai ma fortune à la disposition du fisc, heureux de consacrer encore à la défense des accusés ce que j’ai pu gagner dans l’exercice de ma profession. Quant à la prison, je me rappelle le mot de cet autre républicain qui sut mourir à Utique : J’aime mieux être en prison, que de siéger ici, à côté de toi, César ! »

L’arrêt qui condamnait Trélat à trois ans de prison et Michel à un mois seulement servit de texte aux commentaires hostiles. Michel fut jaloux de la prison de Trélat et non de l’honneur qui lui en revenait. Il chérissait ce noble caractère,