Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/471

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vie passait devant moi comme un rêve, et que ce monde imaginaire du roman s’appesantissait sur moi comme une poignante réalité.

C’est alors que je me pris à regretter Nohant, dont je me bannissais par faiblesse et qui se fermait devant moi par ma faute. Pourquoi avais-je déchiré le contrat qui m’assurait la moitié de mon revenu ? J’aurais pu au moins louer une petite maison non loin de la mienne et m’y retirer avec ma fille une moitié de l’année, au temps des vacances de Maurice ; je me serais reposée là, en face des mêmes horizons qu’avaient contemplés mes premiers regards, au milieu des amis de mon enfance ; j’aurais vu fumer les cheminées de Nohant au-dessus des arbres plantés par ma grand’mère, assez loin pour ne pas gêner ce qui se passait maintenant sous leurs ombrages, assez près pour me figurer que je pouvais encore y aller lire ou rêver en liberté.

Éverard, à qui je disais ma nostalgie et le dégoût que j’avais de Paris, me conseillait de m’établir à Bourges ou aux environs. J’y fis un petit voyage. Un de mes amis, qui s’absentait, me prêta sa maison, où je passai seule quelques jours, en compagnie de Lavater, que je trouvai dans la bibliothèque, et sur lequel je fis avec amour un petit travail. Cette solitude au milieu d’une ville morte, dans une maison déserte, pleine de poésie, me parut délicieuse. Éverard, Planet et la maîtresse de la maison, femme excellente