Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/558

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à laquelle j’assistai sans qu’il me vît. Je lisais dans l’embrasure d’une fenêtre, le rideau était tombé de lui-même sur moi lorsqu’il entra. Ils parlèrent du peuple. Je fus abasourdie. Carrel n’avait pas la notion du progrès ! Ils ne furent pas d’accord. Éverard l’influença, puis, à son tour, il fut influencé par lui. Le plus faible entraîna le plus fort, cela se voit souvent.

Après avoir parcouru bien des horizons depuis ce jour-là, Éverard, en 1847, était revenu s’enfermer dans l’horizon limité de Carrel.

En voyant ces fluctuations des grands esprits, les partisans s’alarment, s’étonnent ou s’indignent. Les plus impatients crient à la défection, à la trahison. Les derniers jours de Carrel furent empoisonnés par ces injustices. Éverard réagit et lutta jusqu’à sa fin contre des soupçons amers. M. de Girardin, plus accusé, plus insulté, plus haï encore par toutes les nuances des partis, est seul resté debout. Il est aujourd’hui, en France, le champion des théories les plus audacieuses et les plus généreuses sur la liberté. Ainsi le voulait la destinée en le douant d’une force supérieure à celle de ses adversaires.

Il faudrait pouvoir retrancher de nos mœurs politiques la prévention, l’impatience et la colère. Les idées que nous poursuivons ne trouveront leur triomphe que dans des consciences équitables et généreuses. Qu’un homme comme Carrel ait été outragé et navré par des lettres de reproches