Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/628

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ma destinée, attirés par le magnétisme de mon individualité. Nous faisons notre propre vie à certains égards : à d’autres égards, nous subissons celle que nous font les autres. J’ai raconté ou fait pressentir de mon existence tout ce qui y est entré par ma volonté, ou tout ce qui s’y est trouvé attiré par mes instincts. J’ai dit comment j’avais traversé et subi les diverses fatalités de ma propre organisation. C’est tout ce que je voulais et devais dire. Quant aux mortels chagrins que la fatalité des autres organisations fit peser sur moi, ceci est l’histoire du secret martyre que nous subissons tous, soit dans la vie publique, soit dans la vie privée, et que nous devons subir en silence.

Les choses que je ne dis pas sont donc celles que je ne puis excuser, parce que je ne peux pas encore me les expliquer à moi-même. Dans toute affection où j’ai eu quelques torts, si légers qu’ils puissent paraître à mon amour-propre, ils me suffisent pour comprendre et pardonner ceux qu’on a eus envers moi. Mais là où mon dévouement sans bornes et sans efforts s’est trouvé tout à coup payé d’ingratitude et d’aversion, là où mes plus tendres sollicitudes se sont brisées impuissantes devant une implacable fatalité, ne comprenant rien à ces redoutables accidents de la vie, ne voulant pas en accuser Dieu, et sentant que l’égarement du siècle et le scepticisme social en sont les premières causes, je retombe