Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/116

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durant trois ans de ma vie, car j’ai été élevée dans ce même couvent. Il l’attendait souvent durant plusieurs heures, vu que, dans les commencemens surtout, les consignes changeaient chaque jour selon le caprice des concierges, et peut-être suivant le vœu du gouvernement révolutionnaire, qui craignait les communications trop fréquentes et trop faciles entre les détenus et leurs parens. En d’autres temps, l’enfant mince et débile eût pris là une fluxion de poitrine. Mais les vives émotions nous font une autre santé, une autre organisation. Il n’eut pas seulement un rhume, et apprit bien vite à ne plus s’écouter, à ne plus se plaindre à sa mère de ses petites souffrances et de ses moindres contrariétés, comme il avait eu coutume de le faire. Il devint tout d’un coup ce qu’il devait être toujours, et l’enfant gâté disparut pour ne plus reparaître. Lorsqu’il voyait arriver à la grille sa pauvre mère toute pâle, toute effrayée du temps qu’il avait passé à l’attendre, toute prête à fondre en larmes en touchant ses mains froides, et à le conjurer de ne plus venir plutôt que de s’exposer à ces souffrances, il était honteux de la mollesse dans laquelle il s’était laissé bercer ; il se reprochait d’avoir consenti à ce développement extrême de sollicitude, et, connaissant enfin par lui-même ce que c’est que de trembler et de souffrir pour ce qu’on aime, il niait qu’il eût attendu, il assurait qu’il n’avait