Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

va ! citoyenne, répondirent aussitôt ces braves femmes, nous ne te voulons point de mal. Tu as raison de te fier à nous, nous aussi nous avons des enfans et nous les aimons ».

On abordait. Le batelier et les autres hommes du bateau, qui ne pouvaient digérer l’attitude de Deschartres, voulurent faire des difficultés pour l’empêcher de passer outre, mais les femmes avaient pris ma grand’mère sous leur protection. « Nous ne voulons pas de cela, dirent-elles aux hommes, respect au sexe ! N’inquiétez pas cette citoyenne. Quant à son valet de chambre (c’est ainsi qu’elles qualifièrent le pauvre Deschartres), qu’il la suive. Il fait ses embarras, mais il n’est pas plus ci-devant que vous. » Mme Dupin embrassa ces bonnes commères en pleurant, Deschartres prit le parti de rire de son aventure, et ils arrivèrent sans encombre à la petite maison de Passy, où Maurice, qui ne les attendait pas encore, faillit mourir de joie en embrassant sa mère. Je ne sais plus, quel jour fut révoqué le décret contre les exilés, mais ce fut presque immédiatement après ; ma grand’mère se mit en règle, j’ai encore ses certificats de résidence et de civisme, ce dernier motivé principalement sur ce que ses domestiques et Antoine, son valet de pied à leur tête, s’étaient, de l’aveu de toute la section, portés bravement à la prise de la Bastille. C’étaient là de grandes leçons pour l’orgueil des ci-devants.