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a peu de jours, peu de momens dans la vie des êtres ordinaires où ils soient intéressans ou utiles à contempler. Je me suis sentie pourtant dans ces jours et dans ces heures-là quelquefois comme tout le monde, et j’ai pris la plume alors pour épancher quelque vive souffrance qui me débordait, ou quelque violente anxiété qui s’agitait en moi. La plupart de ces fragmens n’ont jamais été publiés, et me serviront de jalons pour l’examen que je vais faire de ma vie. Quelques-uns seulement ont pris une forme à demi confidentielle, à demi littéraire, dans des lettres publiées à certains intervalles et datées de divers lieux. Elles ont été réunies sous le titre de Lettres d’un voyageur. À l’époque où j’écrivis ces lettres, je ne me sentis pas trop effrayée de parler de moi-même, parce que ce n’était pas ouvertement et littéralement de moi-même que je parlais alors. Ce voyageur était une sorte de fiction, un personnage convenu, masculin comme mon pseudonyme, vieux quoique je fusse encore jeune ; et dans la bouche de ce triste pélerin, qui en somme était une sorte de héros de roman, je mettais des impressions et des réflexions plus personnelles que je ne les aurais risquées dans un roman, où les conditions de l’art sont plus sévères.

J’avais besoin alors d’exhaler certaines agitations, mais non le besoin d’occuper de moi mes lecteurs.

Je l’ai peut-être moins encore aujourd’hui, ce