Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/158

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Pour jouer Robert on enrégimenta des comparses, et les brigands furent des Hongrois-Croates, qui étaient en France comme prisonniers de guerre et avaient été cantonnés à La Châtre. On leur faisait simuler un combat, on leur fit comprendre qu’après la bataille, ils devaient paraître blessés ; ils se concertèrent si bien et ils mirent tant de conscience, qu’à la représentation on les vit sortir de la mêlée boitant tous du même pied.

Ainsi mon père, chef de brigands sur les planches d’un théâtre, où les moines avaient fait chère lie, et où la Montagne avait tenu ses séances, commandait à des Hongrois et à des Croates prisonniers. Deux ans plus tard, il était fait prisonnier lui-même par des Croates et des Hongrois qui ne lui faisaient pas jouer la comédie et qui le traitaient plus rudement. La vie est un roman que chacun de nous porte en soi, passé et avenir.

Mais au milieu des irrésolutions de ma grand’mère pour la carrière de son fils, arriva cette fameuse loi du 2 vendémiaire an VII (23 septembre 1798), proposée par Jourdan, et qui déclarait tout Français soldat, par droit et par devoir, pendant une époque déterminée de sa vie.

La guerre, endormie un moment, menaçait d’éclater de nouveau sur tous les points. La Prusse hésitait dans sa neutralité, la Russie et l’Autriche armaient avec ardeur. Naples enrôlait