Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/228

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de canon ! Tout le monde en parle et personne ne m’a su rendre ses impressions. Mais j’ai voulu me rendre compte de la mienne, et je t’assure que, loin d’être pénible, elle fut agréable. Figure-toi un moment d’attente solennelle, et puis un ébranlement soudain, magnifique. C’est le premier coup d’archet de l’opéra quand on s’est recueilli un instant pour entendre, l’ouverture. Mais quelle belle ouverture qu’une canonnade en règle !

Cette canonnade, cette fusillade, la nuit, au milieu des rochers qui décuplaient le bruit (tu sais que j’aime le bruit), c’était d’un effet sublime ! Et quand le soleil éclaira la scène et dora les tourbillons de fumée, c’était plus beau que tous les opéras du monde.

« Dès le matin, l’ennemi abandonna ses positions de gauche, il replia toutes ses forces à Uznack, sur la droite. Nous nous y rendîmes. Nous restâmes en bataille derrière l’infanterie, laquelle s’occupait de passer la rivière qui nous séparait de l’ennemi. On construisit un pont sous son feu même, c’était à des Russes que nous avions affaire.

Ces gens-là se battent vraiment bien. Lorsque le pont fut terminé, trois bataillons s’avancèrent pour le passer. Mais à peine furent-ils arrivés de l’autre côté, que l’ennemi s’avançant en forces considérables et bien supérieures aux nôtres, les troupes qui avaient passé le pont se jetèrent dessus en désordre pour le repasser. La moitié était déjà parvenue sur la