Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/260

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que mon père aima toujours comme ses frères. On peut croire qu’ils le plaisantaient beaucoup sur la gravité de son rôle d’oncle, et qu’il leur fit grâce du respect que son titre réclamait. Une succession avait élevé quelques différends entre leurs hommes d’affaires, et voici comment, aujourd’hui, mon cousin René s’explique avec moi sur cette contestation : « Les gens d’affaires trouvaient des motifs de chicane, des chances de gain pour nous, à entamer un procès : il s’agissait d’une maison et de trente mille francs légués par M. de Rochefort, petit-fils de Mme Dupin de Chenonceaux, à notre cher Maurice. Maurice, mon frère et moi, nous répondîmes aux gens d’affaires que nous nous aimions trop pour nous disputer sur quoi que ce soit ; que, s’ils tenaient cependant à se quereller entre eux, nous leur donnions la permission de se battre. J’ignore s’ils en profitèrent, mais nos débats de famille furent ainsi terminés. » Ces trois jeunes gens étaient bons et désintéressés, sans aucun doute ; mais le temps aussi valait mieux que celui où nous sommes. Malgré les vices du gouvernement directorial, malgré l’anarchie des idées, la tourmente révolutionnaire avait laissé dans les esprits quelque chose de chevaleresque. On avait souffert, on s’était habitué à perdre sa fortune sans lâcheté, à la recouvrer sans avarice, et il est certain que le malheur et le danger sont de salutaires épreuves. L’humanité