Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/391

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préjugé naïf et respectable croyance vraie au fond, car, à moins de nier Dieu, il faut vouloir que la pensée de Dieu intervienne dans une consécration comme celle du mariage, mon père avait le plus grand désir de faire consacrer le sien. Jusque-là il tremblait que Sophie, ne se regardant pas comme engagée par sa conscience, n’en vînt à tout remettre en question. Il ne doutait point d’elle, il n’en pouvait pas douter sous le rapport de l’attachement et de la fidélité. Mais elle avait des accès de fierté terrible quand il lui laissait entrevoir l’opposition de sa mère. Elle ne parlait de rien moins que d’aller au loin vivre de son travail avec ses enfans, et de montrer par là qu’elle ne voulait recevoir ni aumône ni pardon de cette orgueilleuse grande dame, dont elle se faisait une bien fausse et bien terrible idée.

Lorsque Maurice voulait lui persuader que le mariage contracté était indissoluble, et que sa mère viendrait à y souscrire tôt ou tard : — Eh non, disait-elle : votre mariage civil ne prouve rien, puisqu’il permet le divorce. L’Eglise ne le permet pas, nous ne sommes donc pas mariés, et ta mère n’a rien à me reprocher. Il me suffit que notre fille (j’étais née alors) ait un sort assuré. Mais quant à moi, je ne te demande rien et je n’ai à rougir devant personne. » Ce raisonnement plein de force et de simplicité, la société ne le ratifiait pas, il est vrai. Elle le ratifierait encore moins aujourd’hui qu’elle s’est