Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/450

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Nous serons bien certainement à Paris, à la fin du mois. Il est impossible de s’ennuyer plus que je ne fais ici ; j’ai des fêtes et des cérémonies par dessus la tête. Tous mes camarades en disent presque autant, encore n’ont-ils pas d’aussi puissans motifs que moi pour désirer d’en finir avec toutes ces comédies. L’air est appesanti pour moi de grandeurs, de dignités, de raideur et d’ennui.

Le prince est malade, et par cette raison nous devancerons, j’espère, le retour de l’empereur, et je vais bientôt te retrouver, toujours mon ange, mon diable et ma divinité. Si je ne trouve pas de lettres de toi à Turin, je te tirerai tes petites oreilles. Adieu, et mille tendres baisers à toi, à notre Aurore et à ma mère. Je t’écrirai de Turin. » La vie de mon père, cette vie si pure et si généreuse, touche à sa fin. Je n’aurai plus de lui qu’une affreuse catastrophe à raconter.

Désormais je vais être guidée par mes propres souvenirs, et comme je n’ai pas la prétention d’écrire l’histoire de mon temps en dehors de la mienne propre, je ne dirai de la campagne d’Espagne que ce que j’en ai vu par mes yeux à une époque où les objets extérieurs, étranges et incompréhensibles pour moi, commençaient à me frapper comme des tableaux mystérieux. On me permettra de rétrograder un peu et de prendre ma vie au moment où je commence à la sentir.