Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/455

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comme un perroquet, ils n’eussent pas été plus inintelligibles pour moi.

On nous exerçait aussi à apprendre par cœur les fables de La Fontaine, et je les sus presque toutes lorsque c’était encore lettres closes pour moi. J’étais si lasse de les réciter, que je fis, je crois, tout mon possible pour ne les comprendre que fort tard, et ce ne fut que vers l’âge de 15 ou 16 ans que je m’aperçus de leur beauté.

On avait l’habitude, autrefois, de remplir la mémoire des enfans d’une foule de richesses au-dessus de leur portée. Ce n’est pas le petit travail qu’on leur impose que je blâme, Rousseau, en le retranchant tout à fait dans l’Émile, risque de laisser le cerveau de son élève s’épaissir au point de n’être plus capable d’apprendre ce qu’il lui réserve pour un âge plus avancé. Il est bon d’habituer l’enfance, d’aussi bonne heure que possible, à un exercice modéré, mais quotidien, des diverses facultés de l’esprit. Mais on se hâte trop de leur servir des choses exquises.

Il n’existe point de littérature à l’usage des petits enfans. Tous les jolis vers qu’on a faits en leur honneur sont maniérés et farcis de mots qui ne sont point de leur vocabulaire. Il n’y a guère que les chansons des berceuses qui parlent réellement à leur imagination. Les premiers vers que j’aie entendus sont ceux-ci, que tout le monde connaît sans doute, et que ma mère me