Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/463

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

disait qu’en lui désobéissant je faisais pleurer la sainte Vierge et les anges dans le ciel, mon imagination était vivement frappée. Ces êtres merveilleux et toutes ces larmes provoquaient en moi une terreur et une tendresse infinies. L’idée de leur existence m’effrayait, et tout aussitôt l’idée de leur douleur me pénétrait de regrets et d’affection.

En somme, je veux qu’on donne du merveilleux à l’enfant tant qu’il l’aime et le cherche, et qu’on le lui laisse perdre de lui-même, sans prolonger systématiquement son erreur, dès que le merveilleux, n’étant plus son aliment naturel, il s’en dégoûte et vous avertit par ses questions et ses doutes qu’il veut entrer dans le monde de la réalité.

Ni Clotilde ni moi n’avons gardé aucun souvenir du plus ou moins de peine que nous eûmes pour apprendre à lire. Nos mères nous ont dit depuis qu’elles en avaient eu fort peu à nous enseigner. Seulement, elles signalaient un fait d’entêtement fort ingénu de ma part. Un jour que je n’étais pas disposée à recevoir ma leçon d’alphabet, j’avais répondu à ma mère : « Je vais bien dire a, mais je ne sais pas dire b. » Il paraît que ma résistance dura fort longtemps. Je nommais toutes les lettres de l’alphabet, excepté la seconde, et quand on me demandait pourquoi je la passais sous silence, je répondais imperturbablement : « C’est que je ne connais pas le b. »