Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/476

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étant à Chaillot, je croyais être chez nous à Paris, et réciproquement. Il me fallait faire souvent un effort pour m’assurer du lieu où j’étais, et j’ai vu ma fille, enfant, subir cette illusion d’une manière très prononcée.

Je ne crois pas avoir été à Chaillot depuis 1808, car, après le voyage d’Espagne, je n’ai plus quitté Nohant jusqu’après l’époque où mon oncle vendit à l’État sa petite propriété qui se trouvait sur l’emplacement destiné au palais du roi de Rome. Que je me trompe ou non, je placerai ici ce que j’ai à dire de cette maison, qui était alors une véritable maison de campagne. Chaillot n’étant point bâti comme il l’est aujourd’hui.

C’était l’habitation la plus modeste du monde, je le comprends, aujourd’hui que les objets restés dans ma mémoire m’apparaissent avec leur valeur véritable. Mais, à l’âge que j’avais alors, c’était un paradis. Je pourrais donner le plan du local et celui du jardin, tant ils me sont restés présens. Le jardin était surtout pour moi un lieu de délices, car c’était le seul que je connusse. Ma mère qui, malgré ce qu’on disait d’elle alors à ma grand’mère, vivait dans une gêne voisine de la pauvreté, et avec une économie et un labeur domestiques dignes d’une femme du peuple, ne me menait pas aux Tuileries étaler des toilettes que nous n’avions pas, et me maniérer en jouant au cerceau ou à la corde sous les regards des badauds. Nous ne sortions de notre