Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/553

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bien arrangés.

Deschartres lui conseilla de faire beaucoup d’exercice afin d’avoir de l’appétit, et de réparer la qualité de son lait par de bons alimens.

Elle commença aussitôt un petit jardin dans un angle du grand jardin de Nohant, au pied d’un gros poirier qui existe encore.

Cet arbre a toute une histoire si bizarre qu’elle ressemble à un roman, et que je ne l’ai sue que longtemps après.

Le 8 septembre, un vendredi, le pauvre petit aveugle, après avoir gémi longtemps sur les genoux de ma mère, devint froid ; rien ne put le réchauffer ; il ne remuait plus. Deschartres vint, l’ôta des bras de ma mère ; il était mort. Triste et courte existence dont, grâce à Dieu, il ne s’est pas rendu compte.

Le lendemain on l’enterra ; ma mère me cacha ses larmes. Hippolyte fut chargé de m’emmener au jardin toute la journée. Je sus à peine et ne compris que faiblement et dubitativement ce qui se passait dans la maison. Il paraît que mon père fut vivement affecté, et que cet enfant, malgré son infirmité, lui était tout aussi cher que les autres. Le soir, après minuit, ma mère et mon père, retirés dans leur chambre, pleuraient ensemble, et il se passa entre eux une scène étrange que ma mère m’a racontée avec détail une vingtaine d’années plus tard. J’y avais assisté en dormant.

Dans sa douleur, et l’esprit frappé des reflexions