Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/76

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est autre, et déjà, d’ailleurs, les ombres de la mort ont envahi ce grand œil noir creusé par la souffrance, ses joues pâles dévastées par les années[1].

Mme Dupin a laissé à Chenonceaux quelques écrits fort courts, mais très pleins d’idées nettes et de nobles sentimens. Ce sont, en général, des pensées détachées, mais dont le lien est très logique. Un petit traité du Bonheur, en quelques pages, nous a paru un chef-d’œuvre. Et pour en faire comprendre la portée philosophique, il nous suffit d’en transcrire les premiers mots : Tous les hommes ont un droit égal au bonheur ; textuellement : « Tous les hommes ont un droit égal au plaisir ». Mais il ne faut pas que ce mot plaisir, qui a sa couleur locale comme un trumeau de cheminée, fasse équivoque et soit pris pour l’expression d’une pensée de la régence. Non, son véritable sens est un bonheur matériel, jouissance de la vie, bien-être, répartition des biens, comme on dirait aujourd’hui. Le titre de l’ouvrage, l’esprit chaste et sérieux dont il est empreint ne peuvent laisser aucun doute sur le sens moderne de cette formule égalitaire qui répond à celle-ci :

  1. J’ai commis ici une petite erreur de fait que mon cousin M. de Villeneuve, héritier de Chenonceaux et de l’histoire de Mme Dupin, me signale. L’abbé de Saint-Pierre mourut à Paris, mais bien peu de temps après avoir fait une maladie grave à Chenonceaux.
    (Note de 1850.)