Page:Sand - Histoire du veritable Gribouille.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
93
DE GRIBOUILLE

comme s’ils eussent été bien regrettables, et il les eût pleurés longtemps, si la reine des prés, qui voulait le rendre attentif à ses discours, ne l’eût forcé, par un de ses sourires magiques, à redevenir tranquille et satisfait. Alors, se sentant réveillé comme d’un rêve, il ne vit plus le passé et ne songea qu’à l’avenir.

« Ma chère marraine, dit-il, vous dites que seul, parmi les hommes de mon pays, je possède une grande science. On m’a toujours dit autrefois que j’étais né fort simple. Le roi des bourdons a essayé de me rendre habile. J’ai étudié pendant trois ans, chez lui, la science des nombres, et cela ne m’a rien appris dont je sache me servir. Vous m’avez amené ici et vous m’y avez donné cent ans d’un plaisir et d’un bonheur dont je n’avais pas l’idée ; mais on n’a songé qu’à me divertir, à me caresser, à me rendre content, et véritablement j’ai été si content, si heureux, si gai, si fou peut-être, que je n’ai pas songé à faire la plus petite question, et que je ne me sens pas plus magicien que le premier jour. Vous voyez donc que je suis un grand niais ou un grand étourdi, et vraiment j’en suis tout honteux, car il me semble que, dans l’espace de cent ans, j’aurais pu et j’aurais dû apprendre tout ce qu’un mortel peut savoir, lorsqu’il vit au milieu des fées et des génies.

— Gribouille, dit la reine, tu t’accuses à tort et tu te