Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/112

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l’esprit d’Alice. Elle avait pressenti, ou plutôt elle avait deviné que Jacques avait beaucoup et longtemps aimé une autre femme, elle se persuadait qu’il l’aimait encore, et, en supposant que cette femme était Isidora, elle ne se trompait que de date.

— Je veux tout savoir, se disait-elle ; voici enfin l’occasion et le moyen de me guérir. N’ai-je pas désiré ardemment et demandé à Dieu avec ferveur la force de ne rien espérer, de ne rien attendre de mon fol amour ? Ne me suis-je pas dit cent fois que le jour où je serais certaine que ce n’est pas moi qu’il aime, je retrouverais le calme du désintéressement ? Pourquoi donc suis-je si épouvantée de la découverte qui s’approche ? Pourquoi ai-je une montagne sur le cœur ?

— Vous trouvez ce lieu-ci très-changé ? dit-elle en prenant le café avec lui sur la terrasse ornée de fleurs. Vous regrettez sans doute l’ancienne disposition ?

— Il y a beaucoup de changements en effet, répondit Jacques ; les deux pavillons vitrés qui forment des ailes au bâtiment n’existaient pas autrefois. Le jardin était dans un état complet d’abandon. C’est beaucoup plus beau maintenant, à coup sûr.