Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/170

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de terrasse relevée de trois gradins de pierre blanche, et fermée de grands murs, marchait lentement une forme noire qu’il lui était impossible de distinguer, mais dont le mouvement régulier et impassible pouvait être comparé à celui d’un pendule. Qui donc pouvait ainsi veiller dans la solitude et le silence de la nuit ? D’abord un soupçon terrible, une âcre jalousie, s’empara du cerveau affaibli de Jacques. Comme s’il avait eu, lui, le droit d’être jaloux ! Alice attendait-elle quelqu’un à cette heure solennelle et mystérieuse ? Mais était-ce bien Alice ? Isidora aussi portait un vêtement de deuil. Aurait-elle eu la fantaisie de venir rêver dans ce jardin plutôt que dans le sien ? elle pouvait en avoir conservé une clef. Mais comment expliquer le choix de cette promenade ? D’ailleurs Alice était mince, et il lui semblait voir une forme élancée.

Une demi-heure s’écoula ainsi. L’ombre paraissait infatigable, et elle était bien seule. Elle disparaissait derrière de grands vases de fleurs et quelques touffes de rosiers disposés sur le rebord de la terrasse. Puis elle se montrait toujours aux mêmes endroits découverts, suivant la même ligne, et avec tant d’uniformité, qu’on eût pu compter par minutes et secondes les ailées et venues de son invariable