Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/204

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dents. Mais en voyant Alice assise sur son fauteuil où l’avait apportée le vieux Saint-Jean, un cri de joie lui échappa, cri si profond, si expressif, qu’Alice en tressaillit légèrement.

— J’ai été assez souffrante, mon ami, lui dit-elle en lui tendant la main. Mais ce n’était rien de grave, et me voilà guérie. Je sais que vous avez veillé sur mon enfant comme l’eût fait sa propre mère. Je ne vous en remercie pas, Laurent, mais je vous en aime davantage.

Pour la première fois, Jacques porta la main d’Alice à ses lèvres ; il ne pouvait parler, il craignait de s’évanouir.

Pour la première fois aussi, Alice devina qu’elle était aimée. Mais il était trop tard, et une pareille découverte ne pouvait qu’augmenter sa souffrance. Qu’était-ce donc qu’un amour si différent du sien, un amour compliqué, flottant, partagé déjà dans le présent et dans le passé, dans l’avenir peut-être ? Toute sa puissance sur le cœur de Jacques s’était donc réduite, et devait probablement se réduire encore à le rendre infidèle parfois à un souvenir adoré, à une passion toute puissante dans ses accès et ses retours ! Peut-être qu’Alice eût pardonné si elle eût compris qu’elle n’était point la rivale d’Isi-