Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/210

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res de l’ivresse et de la douleur. Elle aima, par reconnaissance d’abord, puis par entraînement, et, enfin, par enthousiasme ; car Julie retrouvait, avec la confiance, la jeunesse et la puissance de son âme.

Alice fut le lien entre eux. Elle fut la confidente des dernières souffrances et des dernières luttes d’Isidora. Elle s’attacha à la rendre digne de Jacques, et, sans jamais parler avec lui de leur amour, elle sut lui faire voir et comprendre quel trésor était encore intact au fond de cette âme déchirée. Quant à lui, le noble jeune homme, il le savait bien déjà, puisqu’il avait pu l’aimer alors qu’elle le méritait moins. Mais il avait conçu un idéal plus parfait de l’amour et de la femme en voyant Alice. Par quelle fatalité, étant aimé d’elle, ne put-il jamais le savoir ? Et elle, par quel excès de modestie et de fierté fut-elle trop longtemps aveuglée sur les véritables sentiments qu’elle lui avait inspirés ? Ces deux âmes étaient trop pudiques et trop naïves, et, disons-le encore une fois, trop éprises l’une de l’autre, pour se deviner et se posséder. Leur amour n’était, pas de ce monde ; il n’y put trouver place. Une nature toute d’expansion, d’audace et de flamme s’empara de Jacques : et, ne le plaignez pas, il n’est point trop malheureux. Mais qu’il ignore à jamais le se-