Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/227

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d’esprit. Moi, je pars, ma belle et chère Alice ; je quitte la France, je quitte à jamais Jacques Laurent. Lisez ces papiers que je vous envoie et que je lui ai dérobés à son insu. Sachez donc enfin que c’est vous qu’il aime ; efforcez-vous de le guérir ou de le payer de retour. Je sais que son cœur généreux va s’effrayer et s’affliger pour moi de mon sacrifice. Je sais qu’il va me regretter, car s’il n’a pas d’amour pour moi, il me porte du moins une amitié tendre, un intérêt immense. Mais que vous l’aimiez ou non, pourvu qu’il vous voie, pourvu qu’il vive près de vous, je crois qu’il sera bientôt consolé.

« Et puis il faut vous avouer que je l’ai rendu cruellement malheureux. Vous vous étiez trompée, noble Alice ! nous ne pouvions pas associer des caractères et des existences si opposées. Voilà près d’une année que nous luttons en vain pour accepter ces différences. L’union d’un esprit austère avec une âme bouleversée par les tempêtes était un essai impossible. C’est une femme comme vous que Jacques devait aimer, et moi j’aurais dû le comprendre dès le premier jour où je vous ai vue.

« Je vous ferai ma confession entière. Depuis trois mois que j’ai surpris et comme volé le secret de Jacques, j’ai mis tout en œuvre pour le détacher