Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/51

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— Ce n’est pas un jeu, reprit le domino noir à nœuds roses, qui s’attachait à mon bras et qui m’entraînait rapidement vers l’escalier ; je cours de grands dangers. Sauvez-moi.

J’étais fort embarrassé ; je n’osais refuser, et pourtant je savais qu’il fallait payer pour entrer. Je craignais de n’avoir pas de quoi ; mais nous passâmes si vite devant le bureau, que je n’eus pas même le temps de voir comment j’étais admis. Je crois que le domino paya lestement pour deux sans me consulter. Il me poussa avec impétuosité au moment où j’hésitais, et nous nous trouvâmes à l’entrée de la salle avant que j’eusse eu le temps de me reconnaître.

L’aspect de cette salle immense, magnifiquement éclairée, les sons bruyants de l’orchestre, cette fourmilière noire qui se répandait comme de sombres flots, dans toutes les parties de l’édifice, en bas, en haut, autour de moi ; les propos incisifs qui se croisaient à mes oreilles, tous ces bouquets, tous ces masques semblables, toutes ces voix flûtées qui s’imitent tellement les unes les autre, qu’on dirait le même être mille fois répété dans des manifestations identiques ; enfin, cette cohue triste et agitée, tout cela me causa un instant de vertige et d’effroi. Je regardai ma compagne.