Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/74

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aspires… Tu ne connaîtras plus cet ennui qui te ronge, cette oisiveté que tu te reproches ; demain, tu seras libre, ma belle captive. Et pourquoi pas tout de suite ! Viens, partons, suis l’amant qui t’enlève !

Une secrète terreur se peignit dans les traits de Julie.

— Déjà des conditions ! dit-elle ; déjà le travail de ma réhabilitation qui commence ! Jacques, tu vas croire que je t’ai trompé, que je me suis trompée moi-même, quand je t’ai dit que je détestais mon luxe et mes plaisirs. Je t’ai dit la vérité, je le jure… Et pourtant tes projets me font peur ! Et si tu allais ne plus m’aimer ! si je me trouvais seule, sans amour et sans ivresse, replongée dans cette affreuse misère que je n’ai pu supporter lorsque j’étais plus jeune, plus belle et plus forte ! La misère sans l’amour ! c’est impossible. Eh quoi ! tu me demandes déjà des sacrifices ? tu n’attends pas que je te les offre ! tu acceptes la pécheresse à condition que, dès demain, dès aujourd’hui, elle passera à l’état de sainte ! Oh ! toujours l’orgueil et la domination de l’homme ! Il n’y a donc pas un instant d’ivresse où l’on puisse se réfugier contre les exigences d’un contrat ?

L’amertume de Julie était profondément injuste. Je fus effrayé des blessures de cette âme meurtrie.