Page:Sand - Isidora - Narcisse (Levy).djvu/280

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avances nécessaires. Le pays défriché, assaini, et fertilisé par ces travailleurs, verrait s’élever de riches colonies… mais c’est un rêve ! Il faudrait consacrer quelques millions chaque année à la prospérité de l’homme, et le gouvernement ne marche point sur ces jambes-là. Il veut que le riche s’enrichisse encore et que le pauvre disparaisse par les moyens naturels, à l’usage des sociétés modernes, le vol ou la mort.

Aucune religion sociale, aucune pensée humaine dans l’esprit des gouvernants ne venant en aide, les devoirs des grands propriétaires à l’égard de leurs pauvres paysans sont restreints dans les limites du possible. Ce possible ne va pas loin. Les ressources à consacrer au salut du pauvre sont vile épuisées. Elles sont proportionnées au revenu, aux charges de famille et de position plus ou moins bien entendues. La charité particulière apporte un certain soulagement dans un certain rayon. Oui, c’est la question d’un peu plus ou d’un peu moins, suivant l’économie ou la libéralité de chacun. Ceux qui font tout le bien possible font immensément, vu la difficulté quasi insoluble d’être généreux sans se ruiner, dans cette société. Ils ne font presque rien si l’on considère le fait contre lequel leurs efforts se brisent ; la chaumière à côté du château, la fièvre et la misère permanentes liées au sol, tandis que le riche se déplace à son gré, et ne vient respirer l’air des campagnes qu’à certains jours, au milieu des jouissances qu’il porte avec lui et qui lui servent de contre-poison contre l’insalubrité de ses domaines. Si le riche n’était pas gouvernement, il faudrait l’absoudre quand il est inoffensif, et le bénir quand il est paternel. Mais le riche est électeur, éligible, les chambres font les lois. La majorité des riches est donc sans entrailles ?

La portion de la noblesse qui proteste contre ces majorités, ou qui, par dégoût, refuse de prendre part aux